Condamné par le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) à payer 60 millions d’euros, pour avoir rompu de manière abusive le contrat le liant au groupe Elyo, filiale du groupe français GDF-SUEZ, le Togo oscille entre un refus d’exécuter sa condamnation et des offres à la limite surréalistes et rejetées par le groupe français. Conséquence, GDF-SUEZ brandit encore une fois la menace de saisir les actifs du Togo à travers le monde. L’information est révélée par le confrère La Lettre du Continent dans son édition (LC, n°646) en date du 08 novembre 2012.
 
« GDF-SUEZ s’entête-t-il au Togo ? Le groupe français GDF-SUEZ n’est toujours pas disposé à transiger sur l’indemnisation d’environ 60 millions d’Euros que le gouvernement togolais doit lui régler depuis septembre 2011, date de la décision favorable du CIRDI. Après avoir refusé la première transaction de 15 millions d’Euro (LC n°633), le groupe français vient d’en refuser une seconde, établie à 30 millions d’Euros et assortie d’une garantie de la Banque Centrale du Togo (BCT). Pour obtenir gain de cause, GDF-SUEZ menace toujours de bloquer les actifs du Togo à travers le monde ». Voilà in extenso, ce que révèle La Lettre du Continent sur cette affaire dont les origines remontent en 2006 et où le Togo a été condamné en août 2010, puis en septembre 2011 par les juges du CIRDI à payer 60 millions d’euros au groupe français.
 
Le rejet de cette deuxième offre par le groupe français consacre un second échec des pourparlers aux fins de trouver une formule susceptible de permettre aux deux protagonistes d’étouffer cette affaire dans l’œuf. Mais surtout, il donne le signal que dans ce dossier, le groupe français pourrait mettre sa menace de saisir les actifs du Togo à travers le monde en exécution. En dernier recours bien sûr et en guise de rempart contre les manœuvres du Togo. Sont visés par une telle menace, les biens mobiliers et immobiliers, les actions, les créances du Togo, bref, les valeurs mobilières du Togo à travers le monde, à concurrence du montant dû. L’étau se resserre davantage sur l’Etat togolais car, cette menace, les avocats du groupe Elyo l’avaient brandie depuis l’échec des premiers pourparlers. A l’époque, cette piste n’était pas négligée : « A moins d’un sursaut du gouvernement Gilbert Houngbo, les avocats de GDF-Suez devraient monter la pression d’un cran », écrivait La Lettre du Continent, et de laisser entendre que « des procédures visant la saisie des actifs du Togo en France pourraient alors être engagées ». Mais comment les relations entre le Togo et le groupe Elyo se sont-elles dégradées au point de coûter à notre pays la saisie de ses biens, s’il ne fait pas diligence ?
 
Le 22 février 2010, le gouvernement togolais nationalisa l’exploitation de l’énergie électrique en ramenant la CEET (Compagnie Energie Electrique du Togo), mettant du coup fin au contrat de Togo-Electricité. « Face au non-respect des engagements pris par le groupement Elyo et Hydro Québec International qui a cependant perçu toutes les redevances dues à leur société Togo-Electricité, et en raison des dysfonctionnements multiples constatés dans l’exécution de la convention de concessions, le Gouvernement n’avait d’autres choix que de mettre fin à cette expérience qui s’est avérée douloureuse pour nos populations», avait dit le communiqué lu, pour ce faire. Cette rupture de contrat n’étant pas du goût du groupe Elyo qui porta l’affaire devant les tribunaux, nommément le CIRDI, pour engager la responsabilité de l’Etat togolais et, obtenir réparation des préjudices par lui subis.
 
En août 2010, la première décision tomba et fit l’effet d’une bombe : L’Etat togolais venait d’être condamné à payer au groupe français 60 millions d’Euros, environ 40 milliards FCFA, à titre de dommages et intérêts. S’estimant lésé par une telle décision ou cherchant encore à faire du dilatoire, vu qu’il en est plutôt coutumier, l’Etat togolais interjeta appel. Mais en vain. La facture lui reviendra beaucoup plus salée. Aux 60 millions d’euros, il devra ajouter des frais d’avocats générés par la procédure, soit environ 1,17 million d’Euros (634000 Euros pour ses propres avocats, et 541 000 pour le conseil de la partie adverse). Ainsi en a décidé en appel, le CIRDI. Cette sanction, de nombreux juristes la justifient par le souci des juges de condamner l’abus du droit de faire appel, bref, les manœuvres dilatoires.
 
L’infructueuse étape des négociations
 
La décision rendue en appel ayant acquis l’autorité de la chose jugée, faute d’autres voies de recours ouvertes, le Togo ayant la défaite amère, consentit à payer le montant de sa condamnation. Mais pour ce faire, il tente un règlement à l’amiable avec le groupe français pour un paiement en plusieurs tranches. Une initiative qui a fait flop, a annoncé le confrère français La Lettre du Continent, dans sa livraison n°633 du 12 avril 2012, du fait de la mauvaise foi du Togo. A en croire le confrère, dans un premier temps, l’Etat togolais proposait de régler douze millions (12 000 000) d’Euros, soit 7,86 milliards FCFA, en trois (03) ans. Cette proposition n’ayant pas rencontré l’agrément du Groupe français, Lomé est revenu avec une formule de quinze millions (15 000 000) d’Euros, soit 9,825 milliards FCFA, avec paiement étalé cette fois-ci sur dix (10) ans. Mais cette offre a aussi été rejetée.
 
Les dirigeants de GDF-SUEZ se sont simplement rendu compte de la mauvaise foi des dirigeants togolais à payer cette somme. D’autant plus qu’avec la première proposition, les près de 62 millions d’Euros seront soldés en 15 ans et demi ; jusqu’en 2027 au moins. Elle a été rejetée, mais l’Etat togolais est revenu avec une offre plus importante en termes de chiffres, mais à la limite irrévérencieuse : 15 millions d’Euros, cette fois-ci étalés sur dix (10) ans. Ce qui fait que la dette sera épongée en quarante et un (41) ans, jusqu’en 2053 donc. Il y a de quoi qu’on se sente désabusé au niveau du Groupe français. Aujourd’hui donc, l’on se dirige inexorablement vers ce scénario catastrophe. Et ceci ne sera que la conséquence du refus de soumission de l’Etat togolais au droit. Les dossiers Sow Bertin Agba, Pascal Bodjona, le refus d’exécuter la décision de la Cour de Justice de la CEDEAO dans l’affaire des neuf députés ANC exclus du parlement togolais, illustrent à profusion les coups de force des gouvernants togolais et leur refus de se soumettre à la légalité.
 
Une affaire similaire impliquait l’Etat ivoirien. Mais ce dernier y a échappé de peu, il n’y a pas si longtemps. En effet, depuis 2009, la société Falconbridge, rachetée en 2006 par la compagnie minière anglo-suisse Xstrata poursuivait l’Etat ivoirien pour retrait abusif de son permis de recherche et d’exploration de nickel dans la région de Sipilou, Foungbesso et Samapleu à l’ouest de la Côte d’Ivoire. Les faits étaient survenus sous la présidence de Laurent Gbagbo, le président déchu et étaient l’œuvre de son ministre Léon Emmanuel Monnet. Après le retrait abusif du permis, il l’a attribué à la compagnie canadienne Sama Nickel Group, sans autre forme de procès. Or, à cette époque précise, Falconbridge avait déjà engagé plusieurs dizaines millions d’Euros dans cette activité de recherche et d’exploration. Mais finalement le nouveau pouvoir d’Abidjan a dû faire profil bas pour désamorcer cette bombe à retardement. Le 30 mars dernier à Paris, un accord a été signé entre les deux parties, évitant la saisie des actifs de l’Etat ivoirien à l’étranger. Conformément à cet accord, Abidjan a payé à Xstrata, avant fin avril 2012 et plus exactement le 30 mars, la somme mirifique de 200 millions d’euros.
 
Magnanus FREEMAN
 
liberte-togo
 

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