– Les preuves qui accréditent la thèse du complot
Tout homme libre est un prisonnier en sursis, dit une pensée populaire. Eugène Ameti-Atigan, l’ex-animateur de la TVT l’a appris à ses dépens. De la liberté d’action et de mouvement dont il jouissait, l’homme s’est retrouvé entre-temps au « Guantanamo tropical », grâce à la « Gestapo » qui l’a cueilli, à la faveur, a-t-on dit, d’un contrôle de routine à l’aéroport de Lomé-Tokoin. Avant d’être condamné par la Cour d’assise et maintenu à la prison civile de Lomé où il risque de passer une bonne décennie de sa vie. Mais à y regarder de plus près, sa descente aux enfers a été programmée de longue date, pour servir de victime expiatoire.
Le Togo étant de plus en plus cité dans les instances internationales comme l’un des terreaux, disons plutôt une zone de transit de ceux qui excellent dans le commerce de la schnouf, il fallait capturer un « caïd » de ce milieu d’affaires, histoire de calmer un tout petit peu le courroux de « l’oncle Sam ». Le tirage au sort a été effectué où et par qui, ne nous le demandez surtout pas mais suivez juste nos regards, et l’animateur télé qui avait le vent en poupe a été choisi comme l’agneau qui devait enlever l’opprobre du Togo. Tout était bien ficelé et rien n’a été laissé au hasard. Lors d’un voyage comme il en faisait souvent, il a été interpellé à l’aéroport international Lomé-Tokoin et amené sans escale dans les locaux du lieu où se pratique à volonté la torture au Togo. Sa mallette lui avait été retirée pour, disait-on, un contrôle de routine. Et après coup, il s’entendra dire qu’il a été surpris en flagrant délit de trafic international de la drogue à haut risque. Aussi sera-t-il envoyé à l’ANR (Agence nationale de renseignement), réputée être l’endroit le plus effroyable et le plus déshumanisant au Togo, et enfin transféré à la prison civile de Lomé où il est encore détenu suite à une condamnation judiciaire.
De sérieux doutes sur la provenance du corps du délit
De la cocaïne, c’est ce qui a servi de pièce à conviction aux conspirateurs. Pourtant, les conditions dans lesquelles les tortionnaires de l’ANR ont découvert l’objet compromettant prétendument transporté par l’ex-animateur télé, paraissent bien floues. La mallette saisie n’a pas été ouverte en sa présence, dans un poste de police ou de gendarmerie.
L’irrégularité de l’arrestation et de l’expertise du corps du délit
Les éléments de l’ANR, on ne le dira jamais assez, ne sont pas des officiers de police judiciaire. L’ANR, à en croire son décret fondateur, est une agence de renseignement. La fonction de police judiciaire est confiée limitativement à la Police et à la Gendarmerie nationales et uniquement aux éléments qui relèvent de ces deux services. L’ANR ne saurait pour quelque raison que ce soit, servir de lieu de détention des inculpés dans une affaire. Pourtant, ce sont les locaux de cette agence réputée être un lieu de torture qui ont servi de lieu de détention d’Eugène. Et cette détention illégale et arbitraire recevra le sceau de la Cour suprême du Togo, par le jeu de quelques pirouettes juridiques. Selon elle, « le directeur de l’ANR est un officier de police judiciaire (OPJ) qui, en cette qualité et face à un cas d’infraction, doit pouvoir la constater et en garder les suspects… ». Le hic dans l’argumentaire de la Cour suprême, c’est qu’elle considère Yotroféi Masssina, patron de l’ANR comme un OPJ alors que l’institution qu’il régente n’a rien à voir avec la police judiciaire. Un gendarme affecté à la tête de la Direction du transport routier demeure-t-il officier de police judiciaire ? Cette alchimie juridique jette du discrédit sur la haute juridiction nationale et cache mal la cabale ourdie par les conspirateurs pour enfoncer Eugène. L’institution de la police judiciaire étant bien distincte, le numéro un du Guantanamo tropical ne saurait assurer le rôle d’OPJ. Alors que les OPJ relèvent de la tutelle du pouvoir judiciaire, le « goulag » quant à lui relève directement de l’autorité du président de la République.
L’expertise faite sur le corps du délit manque aussi de base de crédibilité. En cause, la personne désignée pour cette mission ainsi que le vice entachant sa cérémonie de prestation de serment.
D’après nos investigations, le soi-disant expert qui a examiné le corps du délit est le directeur du laboratoire national et son nom figurerait sur une liste confectionnée depuis 1995. Or la loi 98008 portant contrôle de drogue et qui régit toute la procédure au Togo n’a été promulguée qu’en mars 1998. La liste des experts a-t-elle été confectionnée trois ans avant l’entrée en vigueur de la loi qui fixe les contours de leur mission ? La réponse est claire comme l’eau de roche. Au lieu d’ « une comédie sous les Tropiques », il vaudrait mieux parler de tragi-comédie sous les Tropiques. Une autre aberration digne d’une République bananière, c’est que la cérémonie de prestation de serment à laquelle a sacrifié l’expert n’a pas été faite dans les règles de l’art. Prévue pour être faite par devant les juges de la Cour d’appel, c’est plutôt devant l’indéboulonnable Massina que le soi-disant expert l’aurait fait. Une irrégularité formelle qui, sous d’autres cieux, aurait fait connaître à ce dossier un autre épilogue que la condamnation d’Eugène Améti-Atigan et Kalu Jabes Ebere son supposé complice à dix ans de réclusion criminelle.
Le rejet en bloc des exceptions de nullité soulevées
L’exception de détention illégale et arbitraire dans une zone de non droit, et au-delà du délai légal, celle tirée du défaut de qualité d’expert près la cour d’appel de Lomé, du directeur du laboratoire national des stupéfiants du Togo et tous les arguments développés par la défense ont purement et simplement été balayés du revers de la main par les juges de la Cour suprême dans l’unique dessein de le condamner, à tout prix. Et la manœuvre a réussi. Eugène Améti-Atigan et son complice en ont pris pour une bonne dizaine d’années dans les geôles togolaises.
Voilà qui accrédite davantage la thèse du complot contre l’ex-animateur télé. Et visiblement, il n’aurait été épinglé que pour servir de victime expiatoire. Il se susurre qu’il serait l’arbre qui cache la forêt. Pauvre de lui.
Magnanus FREEMAN
liberte-togo.com

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