ABIDJAN – Les soutiens de Laurent Gbagbo ont réagi mercredi avec colère au transfèrement de l’ex-président ivoirien à la Cour pénale internationale (CPI), le jugeant contraire à la « réconciliation », mais le gouvernement d’Alassane Ouattara y voit un nouveau départ après la crise.
L’arrivée de M. Gbagbo à La Haye, où il a été écroué dans la nuit, était attendue depuis son arrestation en avril au terme d’une crise de quatre mois qui a fait quelque 3.000 morts, après son refus de reconnaître la victoire de son rival au scrutin de novembre 2010.
A quelques jours seulement des élections législatives du 11 décembre, elle a pourtant fait l’effet d’un coup de tonnerre.
« Gbagbo, la fin », titrait mercredi Nord-Sud, quotidien proche du Premier ministre Guillaume Soro, chef de cette ex-rébellion qui, après avoir échoué à le renverser en 2002, le captura le 11 avril après deux semaines de guerre, grâce au soutien de la France et de l’ONU.
« Adieu la réconciliation! », répliquait Notre voie, quotidien du Front populaire ivoirien (FPI), parti de M. Gbagbo.
Figure de proue du régime déchu, Charles Blé Goudé, chef en cavale des « jeunes patriotes », a affirmé que son champion était la victime d’un « complot » remontant au putsch raté de la rébellion en 2002.
Joint par l’AFP dans son exil au Ghana, le porte-parole de l’ex-président, Justin Koné Katina, a dénoncé « la victoire de la magouille ».
Mardi soir, trois petits partis pro-Gbagbo, qui avaient décidé de prendre part aux législatives malgré le boycott du FPI, ont annoncé leur retrait. Des candidats issus de l’ex-coalition au pouvoir, mais sans étiquette, devraient toutefois rester dans la course.
« Justice des vainqueurs »?
Si certains observateurs redoutent un regain de tension – « le transfèrement de Gbagbo à quelques jours des législatives, c’est un pari un peu risqué », lâche un diplomate européen à Abidjan – l’heure est au soulagement du côté des nouvelles autorités.
Depuis des mois, elles ne cachaient d’ailleurs pas, en privé, leur impatience de voir l’ancien homme fort d’Abidjan envoyé à La Haye.
Guillaume Soro a rejeté la faute sur le FPI: selon lui, par son « absence de repentance », son « manque d’humilité » et son refus de « concourir à l’apaisement général et à la réconciliation nationale », il a scellé l’avenir de son mentor, qui comparaîtra lundi pour la première fois devant la Cour.
La CPI ne pourra pas être soupçonnée de rendre une « justice des vainqueurs », a avancé le porte-parole du gouvernement, Bruno Koné. Grief souvent porté contre la justice ivoirienne, qui n’a pour l’heure inquiété aucun responsable pro-Ouattara alors que des dizaines de figures du régime déchu sont en prison.
Or, de l’avis du procureur Ocampo, « il apparaît que des crimes ont été commis dans les deux camps ». Si la Cour « estime que des personnes proches du président Alassane Ouattara sont concernées, une procédure du même type sera mise en oeuvre », assure M. Koné.
Côté Gbagbo, les noms de l’ex-Première dame Simone Gbagbo, détenue à Odienné (nord-ouest ivoirien), de Charles Blé Goudé ou d’anciens chefs militaires en prison ont été cités comme pouvant intéresser la CPI. Au sein du camp Ouattara, des ONG internationales ont mis en cause d’ex-chefs rebelles.
Mais ces anciens « com-zone » (« commandants de zone ») de la rébellion de 2002, qui ont mis en coupe réglée le nord du pays durant près d’une décennie, sont devenus ces derniers mois des piliers de la nouvelle armée.
« La machine de la CPI est lancée, et c’est dangereux politiquement pour Ouattara, commente un expert occidental. Sa marge est étroite ».
A Korhogo (nord), fief pro-Ouattara où Laurent Gbagbo était détenu depuis avril et qui a renoué avec son calme habituel, des habitants plaident cependant pour que tous les fautifs soient poursuivis. « Pour avoir une paix, il faut une justice vraie », insiste Lassinan Traoré, chômeur de 40 ans.
source : AFP

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