Des manœuvres pour organiser le scrutin entre le 12 octobre et le 11 novembre prochains

 
C’est un secret de Polichinelle, la classe politique togolaise est divisée sur presque tout le processus de préparation des prochaines élections législatives, et fondamentalement sur les textes devant conduire à l’organisation des élections. Mais elle (le pouvoir y compris) est unanime sur une question : le scrutin n’est pas tenable dans les délais constitutionnels, c’est-à-dire entre le 12 octobre et le 11 novembre 2012. Logique, vu que les préparatifs ont accumulé du retard. Cependant, l’hypothèse n’est pas à écarter, car il nous revient que le pouvoir fait de la fixation sur cette période.
 
Recours à la Cour constitutionnelle
 
Le scrutin peut-il tenir avant la fin officielle de la mandature de l’actuelle Assemblée nationale ? Voilà une inquiétude qui triturait les méninges, légitimée par le retard accusé dans les préparatifs du scrutin et la tension qui régnait et continue de prévaloir. Le cadre électoral n’est pas encore bien défini. Le Code électoral et le découpage élaborés unilatéralement par le gouvernement sont contestés, et tous les pièges de dialogues posés par Faure Gnassingbé pour arracher la caution de l’opposition et la gruger par la suite sont à chaque fois déjoués. Toute chose qui plombe les préparatifs. Le temps est vite passé, ce qui rend presqu’impossible l’organisation du scrutin dans les délais constitutionnels. C’est l’équation qui a poussé Faure Gnassingbé à requérir début août dernier, l’avis de la Cour constitutionnelle afin de se situer lui aussi.
 
Dans leur réponse en date du 13 août, Aboudou Assouma et les siens avaient indiqué une fourchette allant du 12 octobre au 11 novembre 2012, mais au terme de certaines gymnastiques. Selon les dispositions constitutionnelles (article 52), « L’Assemblée nationale se réunit de plein droit le deuxième mardi qui suit la date de proclamation officielle des résultats ». Et dans le cas de l’Assemblée nationale actuelle, les résultats définitifs avaient été officiellement proclamés par la Cour constitutionnelle le 30 octobre 2007 et la session de droit qui marque le début de la législature eut lieu le 13 novembre 2007. Ce qui induit que le mandat de l’actuelle Assemblée nationale prend fin le 12 novembre prochain. Et conformément à la disposition selon laquelle les élections ont lieu trente (30) jours avant l’expiration du mandat des députés en fonction, les prochaines élections législatives doivent être organisées entre le 12 octobre et le 11 novembre 2012.
 
Mais il se posait toujours la question de la tenue de cette période. « Les élections pourront-elles être effectives entre le 12 octobre et le 11 novembre 2012 ? La question peut bien paraître farfelue, d’autant plus que c’est seulement dans cette période que l’organisation du scrutin serait conforme aux dispositions constitutionnelles. Mais elle est fondamentale lorsqu’on jette un regard sur l’état des préparatifs », avions-nous justement écrit dans la parution N°1274 du 17 août 2012, où nous avions fait l’état des préparatifs.
 
Le pouvoir tient à cette période
 
La Constitution est la loi suprême et tout ce qui doit être fait dans le cadre de ces élections doit respecter ses prescriptions. Ainsi, pour ne souffrir d’aucune illégalité, le scrutin ne doit être organisé que dans cet intervalle. Mais les observateurs avisés avaient bien fait de relever qu’un accord politique entre les partis les plus représentatifs de la classe politique suffirait à légitimer tout report. Un principe d’ailleurs acquis par tous. Organiser les législatives dans deux semaines au minimum et un mois et demi au plus, cela pourrait relever de la démence. Mais c’est justement l’hypothèse envisagée par le pouvoir. Selon les indiscrétions, le gouvernement manœuvrerait pour organiser le scrutin durant cette période.
 
Le commun des citoyens devrait croire à une volonté du pouvoir de requérir le consensus recommandé avec le dialogue SMS entre-temps organisé à la Primature et ayant abouti après quatre heures de discussions à un…accord. Mais c’était juste dans la perspective d’obtenir la caution de l’opposition pour dérouler. L’argument idéal que l’on brandirait serait que le gouvernement veut être légaliste, alors que le véritable enjeu est dissimulé. Il sera évoqué l’alibi du temps pour sauter certaines étapes et verser dans la précipitation, ce qui créerait les conditions de hold-up. On se rappelle le scénario de 2007 où la question de l’authentification des bulletins de vote a été occultée durant toute la phase de préparation et expédiée au dernier moment ; c’est sur ce terrain que le pouvoir avait joué à l’époque pour bourrer les urnes et justifier sa majorité, au-delà de l’effet du découpage électoral inique. Les indiscrétions disent aussi s’inscrire dans cette dynamique la résurrection de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) de Taffa Tabiou qui devrait normalement être recomposée, et aussi le lancement de la préparation du recensement électoral qui devrait voir mobiliser 4200 opérateurs de saisie, 120 formateurs, 100 techniciens de maintenance et 25 formateurs , à en croire ce dernier.
 
Les gouvernants ne s’en cachent d’ailleurs plus. « Le gouvernement souhaite que les scrutins aient lieu dans le respect des échéances constitutionnelles », «Le gouvernement est soucieux d’organiser des élections crédibles, ne souffrant d’aucune contestation. Il faut respecter les exigences constitutionnelles, mais aussi permettre au Togo de franchir un pas supplémentaire en matière de démocratie et d’Etat de droit », a déclaré Gilbert Bawara, le ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et des Collectivités locales. Des propos assez évocateurs. Et pour qui sait que le pouvoir Faure Gnassingbé est dans une logique de coup de force permanent, ce ne serait pas une surprise de voir le gouvernement organiser le scrutin entre le 12 octobre et le 11 novembre.
 
Une option suicidaire
 
Est-il possible d’organiser de façon efficiente une élection dans un tel délai ? La réponse ne peut être que négative. Une telle hypothèse relèverait de la pure démence lorsqu’on considère l’état des préparatifs. Tout le processus se réduit à l’étape de la définition du cadre électoral dont les décisions peinent d’ailleurs à obtenir le consensus requis. Le Code électoral et le découpage élaborés sont toujours décriés par l’opposition. La phase active proprement dite des préparatifs n’a même pas encore commencé. Le recensement électoral, la commande des urnes, des bulletins et autres tâches ne sont pas encore entreprises. La mission souvent envoyée par l’Union européenne pour faire l’état des lieux avant la tenue des scrutins n’est pas encore arrivée. Même le fameux accord politique obtenu à la suite du dialogue record n’a pas encore obtenu l’onction de l’Assemblée nationale. Nul doute que toute la préoccupation serait juste de tenir dans le temps, et les tâches essentielles seraient bâclées. Des conditions qui vont conduire à un hold-up de plus et à un accaparement des sièges au profit du parti au pouvoir, et ainsi engendrer une fois de plus des frustrations et augmenter la tension politique dans le pays. Ce qui entrainerait des manifestations qui seraient réprimées en retour par le pouvoir, avec sans doute des pertes en vies humaines.
 
Cette option de la précipitation ne devrait pas susciter que le courroux de l’opposition incarnée aujourd’hui par le Collectif « Sauvons le Togo » et la Coalition Arc-en-ciel. Elle devrait mécontenter Gilchrist Olympio aussi qui milite pour un report de ces élections législatives. Au-delà du cadre national, la tenue du scrutin sans l’aval de l’opposition représentative du peuple irait à l’encontre du Protocole additionnel de la Cédéao sur la démocratie et la bonne gouvernance qui interdit toute modification substantielle de la loi électorale à moins de six mois d’une élection, mais aussi de la Déclaration de Praia qui exige des gouvernements de favoriser l’alternance dans les pays.
 
Tino Kossi
 
liberte-togo
 

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