Le 52e anniversaire de l’accession du Togo à la souveraineté nationale et internationale a été célébré vendredi. Cultes religieux, réanimation de la flamme de l’indépendance, défilé militaire et civil, concert pour les jeunes, diner de gala etc., telles sont les activités ayant marqué cette célébration. Et pour la faire ressembler à quelque chose de grandiose, le programme des festivités a été étalé jusqu’aux cérémonies de démarrage de l’usine de Marbre-POMAR à Pagala et de pose de première pierre de l’usine de clinker SCANTOGO MINES à Sika-Kondji (Tabligbo). La veille du jour de la célébration proprement dite, Faure Gnassingbé s’est encore produit au travers d’un discours. Encore d’agréables mots alignés, de bonnes dispositions d’esprit et une jolie profession de foi, pour appâter les esprits naïfs. Mais la réalité est toute autre.
 
Sylvanus Olympio et consorts oubliés
 
« Pensons un instant à ceux qui sont morts pour que la Terre de nos aïeux préserve à jamais son identité et sa spécificité, cette personnalité togolaise propre, longtemps perdue et enfin retrouvée le 27 avril 1960. La flamme que nous avons ranimée au monument de l’Indépendance, est un signe éloquent de la continuité historique qui lie les hommes et les femmes de ce pays, ceux d’hier comme ceux d’aujourd’hui, dont les efforts conjoints et la farouche détermination ont forgé cette Nation qui est notre Patrie », dit Faure Gnassingbé, et de formuler le vœu : « Qu’un hommage sincère soit rendu aux combattants de la liberté qui ont incarné, contre vents et marées, la fierté de notre pays à travers l’Histoire. Nous devons à ceux-là, reconnaissance et gratitude. Ils nous ont légué un bien précieux que nous devons chérir en toutes circonstances et faire prospérer tant qu’un souffle de vie nous habite ».
 
Ah oui, c’est un devoir moral de rendre hommage à ces meneurs de la lutte, qui se sont sacrifiés pour arracher des mains du colon l’indépendance. A commencer par le Père de l’Indépendance, Sylvanus Olympio, celui-là même qui incarnait cette lutte et qui a proclamé l’accession du Togo à la souveraineté nationale et internationale le 27 avril 1960, à travers un discours retentissant. Mais quelle place le clan au pouvoir depuis plus de quatre décennies a-t-il donnée à cet illustre personnage ? Peut-on oser une comparaison avec son pair ghanéen Kwame N’Krumah, parlant des hommages à eux rendus dans leur pays respectif ? Ce serait presque un scandale de s’aventurer sur ce terrain, car les deux hommes, c’est comme le jour et la nuit. La célébrité de N’Krumah dépasse les frontières du Ghana et sa mémoire est honorée sur tout le continent. Le 29 janvier dernier, une statue à son image a été encore érigée à Addis-Abeba dans la capitale éthiopienne au nouveau siège de l’Union africaine. Tous ces honneurs lui sont dus pour son panafricanisme avéré.
 
Dans son pays le Ghana, les différents régimes qui se sont succédé se sont toujours employés à l’honorer, sa mémoire est perpétuée d’année en année et son nom collé à plein d’infrastructures, et non des moindres. Mais a contrario, son alter ego du Togo, Sylvanus Olympio est activement oublié. Ce n’est que tout récemment que son nom a été collé à une rue du quartier commercial, à l’époque inondée et boueuse, mais récemment retapée. Ce n’est qu’en marge de ce 52e anniversaire que le CHU-Tokoin est rebaptisé CHU Sylvanus Olympio. Là aussi, c’est dommage que ce soit à un mouroir que le nom de cet illustre personnage est collé. C’est assez insuffisant comme hommage, pour celui qui a arraché l’indépendance dont jouissent les Gnassingbé depuis 1969. Que dire de ses camarades de lutte, comme Pa de Souza et autres, qui vendaient des noix de coco pour financer la lutte et payer de leurs propres poches les déplacements des représentants du Togo à l’extérieur du pays pour défendre sa cause ? A côté, le nom de Gnassingbé Eyadéma qui n’a rien fait pour le Togo, à part confisquer le pouvoir et le transmettre à son fils à sa mort, est collé à tout : boulevard, camp militaire, aéroport, fondation… Il ne reste peut-être qu’à changer le nom Togo en « EYADEMAland ». Même ses proches, dont Maman N’Danida sont vénérés, bien plus que Sylvanus Olympio et les siens, dont le corps repose toujours en terre étrangère. On se rappelle que sur proposition de la Commission Dosseh-Anyronh, mise en place pour revisiter l’histoire du Togo, Faure Gnassingbé annonçait dans son discours de fin d’année 2009 le rapatriement au Togo des restes de son corps, afin, nous avait-on dit, de lui rendre les « hommages dus à son rang ». Mais rien n’y est fait jusqu’alors.
 
Libertés restaurées, droits de l’Homme rétablis, démocratie promue ?
 
« Aujourd’hui force est de reconnaître que nous vivons dans un pays où les libertés ont été largement restaurées, les droits de l’homme rétablis, la démocratie promue… ». Ces mots sont de Faure Gnassingbé. Et il parlait du Togo ! Et pourtant la réalité est toute autre. On ne saurait parler de droits de l’Homme rétablis, dans un pays où la torture est banalisée. Et en plus exécutée dans une institution placée sous l’autorité directe de celui qui préside aux destinées du pays. Allusion faite ici à l’Agence nationale de renseignement (Anr) et aux tortures et autres traitements cruels, inhumains et dégradants y pratiqués sur les détenus de l’affaire Kpatcha Gnassingbé, mais aussi Agba Bertin, Eugène Attigan et autres anonymes. Et pourtant le Togo a ratifié de nombreux instruments juridiques internationaux combattant ces crimes. Les auteurs de ces actes continuent de courir les rues et de bénéficier de la protection de Faure Gnassingbé, malgré les recommandations du rapport de la Commission nationale des droits de l’Homme (Cndh). On serait dans un Etat de droit que les tortionnaires n’auraient pas mis le fusil sur la tempe de Koffi Kounté, à la présidence de la République, pour l’obliger à signer le faux rapport, et il n’aurait pas pris ses jambes à son cou pour sauver sa vie.
 
On serait dans un Etat de droit que des élus du peuple n’auraient pas été exclus de l’Assemblée nationale par la Cour constitutionnelle censée veiller à l’application des lois du pays. Dans un Etat de droit, les gouvernants se seraient déjà pliés au verdict du 7 octobre 2011 de la Cour de la Cédéao, et même bien avant, aux recommandations de l’Union interparlementaire, et auraient réintégré les neuf (09) députés exclus de l’Assemblée nationale depuis belle lurette.
 
Les faits ont agréablement démenti Faure Gnassingbé juste au lendemain de son allocution. Le Collectif « Sauvons le Togo », malgré le respect de toutes les prescriptions légales, s’est vu opposer des arguments farfelus et a été empêché d’accéder au Monument de l’Indépendance. Le jour de la célébration de cette indépendance ! Pour faire une profession de foi, en fait un simple engagement moral pour un meilleur devenir du Togo. Les populations qui ont répondu à son appel ont été sauvagement réprimées, des grenades lacrymogènes lancées dans l’enceinte même du monument et les manifestants poursuivis jusqu’à la plage.
 
Le plus cocasse, le journaliste Noël Tadegnon de Reuters Television a été proprement molesté et sa caméra saisie, de même que celle de la TV7. On parle d’un certain commissaire Samah qui aurait donné l’ordre de le frapper, bien qu’ayant été identifié comme journaliste, qui faisait juste son travail. Le confrère a été frappé à la nuque, grièvement blessé et admis à l’hôpital ce vendredi. Personne n’est dupe, le confrère payait ainsi son culot (sic) d’avoir filmé l’agression de Didier Ledoux par le Lieutenant-colonel français Romuald Letondot en 2010 et posté l’image sur les réseaux sociaux, ce qui a participé à dénuder le régime en place aux yeux du monde. Liberté de presse et d’expression, vous avez dit ?
 
De l’accaparement des ressources par un groupuscule
 
C’est évident que « lorsque le plus petit nombre accapare les ressources au détriment du plus grand nombre, alors s’instaure un déséquilibre nuisible qui menace jusqu’en ses tréfonds la démocratie et le progrès ». Mais quels sont diantre ces gens qui s’adonnent à ces pratiques ? Hier il s’agissait des barons et autres collaborateurs d’Eyadéma ; mais aujourd’hui, et c’est un secret de polichinelle, ceux qui accaparent les ressources nationales au détriment du plus grand nombre, détournent les deniers publics, font dans les malversations de toutes sortes, s’enrichissent à la vitesse de Mickaël Schumacher sur une piste de Formule 1se comptent parmi les amis de Faure Gnassingbé, ces rentrés d’Europe à la faveur de la « Catastrophe nationale », ses anciens camarades « Chaminadois » qu’il a nommés à la tête de grandes administrations, sociétés et autres régies financières, ses collaborateurs directs. Le cas le plus illustratif et scandaleux est sans doute celui de Ferdinand Tchamsi. Il a été constaté en 2008 l’échec de la gestion du Fonds d’entretien routier (Fer), et la société dissoute et transformée en Fonds routier (Fr). C’étaient des milliards de FCFA qui étaient mis à sa disposition. Mais aucun compte ne lui a été demandé. Et jusqu’à présent, le monsieur n’est pas inquiété. Ceux qui ont géré les phosphates togolais et engendré une dette de 300 milliards FCFA ne sont nullement inquiétés. Ces hommes et femmes multiplient comptes bancaires et villas tant au pays que dans les grandes villes occidentales, voitures de luxes et mènent une vie sultanesque, alors que le peuple côtoie la misère.
 
Faure Gnassingbé lui-même ne dispose-t-il pas de palais (une bonne dizaine) érigés sur toute l’étendue du territoire national ? Est-ce son salaire (de l’ordre de 7 millions FCFA) qui lui permet de s’offrir autant de réalisations ? C’est un secret de polichinelle, tous ces palaces lui sont construits à grands frais par l’autre dame qui se considère comme la Eve du Togo, qui les surfacture et profite pour s’en mettre plein les poches. Qu’est-ce que Faure peut-il bien reprocher dans ce cas à ce petit groupe de ces messieurs et dames qu’il dit accaparer les ressources nationales au détriment du plus grand nombre ? Visiblement, lui-même n’est pas étranger à ces pratiques. Du moins en se gardant de sévir contre les auteurs de malversations avérées, à l’instar de Ferdinand Tchamsi.
 
« Vous auriez dû vous taire, Monsieur le Président !», s’était écrié jeudi, un citoyen à ce niveau justement du discours de Faure Gnassingbé. Et visiblement à raison. Faure a vraiment manqué une bonne occasion de se taire, pour reprendre les termes de son Premier ministre Gilbert Houngbo. Car il ne sert à rien de jouer à l’ange dans les discours, mais ne pas mettre en pratique toutes ces bonnes professions de foi.
 
Tino Kossi
 
source : | liberte-togo.com
 
 

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